Plusieurs siècles avant que l'empereur Auguste ne décidât, au début du Ier siècle de l'ère chrétienne, la
fondation de la colonie Julia Valentia Banasa1, le site avait connu une forte présence phénicienne puis carthaginoise. Cette présence se
manifesta en particulier à travers un artisanat florissant, comme en témoignent les nombreux fours de potiers qui ont été
dégagés. Il est probable qu'au début de l'occupation romaine, Banasa ne fut qu'un camp militaire entouré d'un fossé. Mais
bien vite les contours de la ville commencèrent à se dessiner. Les rues à angles droits apparaissent, ainsi qu'un forum bordé de
portiques, une basilique judiciaire, un temple à six cellae, et une demi-douzaine de thermes dont deux privés.
Le nombre de ces thermes peut d'ailleurs paraître surprenant quand on sait que la population de la cité ne devait guère dépasser les
trois mille habitants. L'explication de cette disproportion apparente réside probablement dans le fait que cette infrastructure était
également prévue pour faire face à l'affluence des populations rurales les jours de marché.
L'oued Sebou, que Pline l'Ancien nomme "Subur", semble avoir joué un rôle important dans l'évolution urbaine de la cité.
L'absence de carrières de pierre dans le Gharb imposait le recours aux chalands pour l'acheminement du grès dunaire de la côte atlantique
et des monolithes de calcaire gris des carrières de Zerhoun.
Banasa a été édifiée sur un site qui domine une plaine particulièrement fertile. De nombreuses inscriptions, et en
particulier des diplômes militaires gravés sur bronze, attestent que les premiers propriétaires des terres furent des vétérans
qui, une fois leur service militaire terminé, avaient pris leur retraite sur place.
Les Banasitains, commerçants pour la plupart, avaient un goût prononcé pour les choses de l'art. Les thermes, ainsi que certaines maisons, sont
pavées de mosaïques aux dessins géométriques, figuratifs et mythologiques (croix gammées, croix de Malte, nœuds gordiens, tresses,
poissons…). Une mosaïque - que l'on n'a pu malheureusement sauver - représente éros et Psyché. Un triton, entouré d'une multitude
de poissons, est représenté dans la mosaïque des « thermes aux fresques ». De nombreuses stèles portent les traces de pieds de statues :
Isis, Minerve, et même de simples particuliers. Une quantité importante de statuettes en bronze, d'objets mobiliers également en bronze,
d'objets de toilette en os, de pièces de monnaies (en bronze, en argent et en or), de bijoux en or (boucles d'oreilles, pendentifs, bagues), de
colliers en bronze ou en perles de verre et même fines font de la collection d'objets d'art, mis au jour à Banasa, l'une des plus importantes de
toute l'Afrique du Nord.
Trois siècles durant, la vie va donc paisiblement s'écouler à Banasa. Mais à la fin du IIIe siècle, Rome,
menacée sur toutes ses frontières d'Europe et d'Asie, dut replier ses effectifs. Il semble qu'au moment de ce repli, toute la population a
évacué la cité. Il ne reste en effet aucun vestige d'habitat datant du IVe siècle de l'ère chrétienne. Dès
lors, Banasa avait cessé d'exister en tant que centre urbain, et, lentement mais inexorablement, les maisons et les monuments tombèrent en
ruine.
Inscriptions de Banasa
- Tabula Banasitana :
La Table de Banasa est le nom d'un document épigraphique retrouvé à Banasa dans l'actuel Maroc en 1957. Il s'agit de la copie conforme,
datée de 177 de documents relatifs à la concession de la citoyenneté romaine par l'empereur Marc Aurèle à une famille de
notables des Zegrenses, une tribu de Maurétanie Tingitane. La Table de Banasa éclaire la procédure administrative suivie lors de la
concession de la citoyenneté romaine à titre viritane (viritim, donnée à titre personnel). Elle éclaire aussi les
conséquences de cette concession : la citoyenneté romaine est concédée saluo iure gentis, en préservant le droit local :
le nouveau citoyen peut continuer à mener sa vie comme auparavant. La concession de la citoyenneté ne déséquilibre pas la vie des
collectivités locales, les bénéficiaires nommés par la table de Banasa conservent ainsi tous leurs devoirs envers le fisc. La
table de Banasa a aussi apporté une riche information prosopographique en révélant les noms de gouverneurs de Maurétanie
Tingitane ainsi que la composition du conseil impérial lors de la séance de juillet 177. En apportant de nouvelles données sur la
citoyenneté romaine et sa concession au deuxième siècle, elle a aussi contribué à la compréhension de l'édit
de Caracalla.
On ne doit pas confondre la Table de Banasa avec l'édit de Banasa qui est une autre inscription sur bronze retrouvée à Banasa et qui
témoigne d'une remise d'impôt par Caracalla en 216.
- édit de Banasa :
L'édit de Banasa est un document épigraphique sur bronze1 retrouvé à Banasa dans l'actuel Maroc.
Arc municipal de Volubilis par lequel la cité remercie, en 216, Caracalla de son indulgentia, sans doute en rapport avec la décision connue
par l'édit de Banasa.
Ce document livre le texte d'un édit de l'empereur Caracalla. Daté de 216, cet édit accorde une remise d'impôts. Caracalla
décide d'annuler les arriérés d'impôts mais rappelle la nécessité de désormais s'acquitter du devoir fiscal.
L'édit de Banasa montre les attentes de l'empereur envers la province de Maurétanie Tingitane : outre les impôts en argent, elle devait
fournir du blé, des hommes, pour l'armée romaine en particulier, et des « animaux célestes », destinés aux chasses données
dans les amphithéâtres romains.
Plusieurs des passages de l'inscription ont été abondamment discutés. Une part importante de la bibliographie a tenté
d'élucider la nature exacte des animaux désignés sous le terme d'« animaux célestes » (caelestia animalia), différentes
solutions étant proposées : lions, éléphants ou tout animal destiné au service et aux spectacle du prince. Les
destinataires de la remise fiscale ne sont pas désignés explicitement, l'édit s'adressant aux uici et aux prouinciae. Le mot prouinciae
a été en général compris comme désignant les provinces de l'empire, et donc ici les Maurétanies. Pour Michel
Christol2, il faudrait comprendre qu'il s'agit en fait de territoire dépendant des cités de Tingitane sans faire directement partie de leur
territoire civique. Jacques Gascou s'est fermement opposé à cette interprétation3. Selon René Rebuffat, une analyse
métrique du texte de Caracalla témoigne de la volonté de produire un discours d'une grande élégance, la culture de la cour
du prince doit rivaliser avec celle des citoyens de l'empire.