Sijilmasa ou Sijilmassa ou Sidjilmassa était une ancienne ville importante du point vue commercial au Moyen-Âge, elle est située
près de Meknès dans la région de Tafilalet au Maroc. Actuellement, des ruines attestent son existence par le passé.
Avant «Tafilalt», c’était Sijilmassa. La zone actuelle de Rissani avait vu un jour de l’an 757-758 (140 Hégire) la
naissance d’une ville qui fera du Maroc, des siècles durant, le catalyseur du commerce médiéval africain et méditerranéen.
Sijilmassa, mot sujet à des spéculations nourries peut-être par le mystère de la ville elle-même, est d’origine berbère
qui signifierait le lieu qui domine de l’eau.
Sijilmassa-Tumbuctu est une histoire encore vivante. Tout le monde en parle et tous les touristes la ressent. Le
Paris-Dakar et autres rallyes rappellent aux gens les siècles de gloire d’un monde où Sijilmassa était le carrefour
incontournable, la mère des routes caravanières, la desserte et le péage des «autoroutes» commerciales, intellectuelles et
religieuses du monde médiéval (Maghreb, Afrique, Europe et Orient).
Histoire
En 757-758, la tribu zénète des Meknassas de rite kharidjite sufrite fonde Sijilmassa sous l'autorité de Semgou Ibn Wassoul al Miknassi1, peu après la grande révolte berbère de 739-743 dirigée contre les gouverneurs arabes du Maghreb qui dépendaient du califat omeyyade de Damas. La ville devient la capitale d'un émirat kharijite, sous la férule des Midrarides. Les Midrarides (appelés aussi Wassoulites) adoptent longtemps le rite le plus modéré du kharidjisme, le sofrisme. Ils mènent une politique d'alliance stratégique avec l'autre grande puissance kharijite du Maghreb, l'émirat rostémide de Tiaret en actuelle Algérie fondé par une dynastie d'origine persane. Mais au début du xe siècle, on note un assouplissement dans la pratique du sofrisme et l'émir midraride Muhammad Ibn Maymun va jusqu'à reconnaître l'autorité spirituelle du calife sunnite abbasside de Bagdad. Cela vient du fait que Sijilmassa est devenue une place de commerce de niveau international, et cultive ainsi une certaine forme de cosmopolitisme, attirant même le fondateur de la dynastie fatimide, le chef chiite ismaélien ‘Ubayd Allâh al-Mahdî qui fuyait les persécutions abbassides au Moyen-Orient. Emprisonné sur décision de l'émir midraride, Ubayd Allah est libéré en 909 par ses partisans à la tête d'une grande armée composée de Kutama du Maghreb central, avant qu'il ne proclame le califat fatimide à Kairouan.
Elle est ensuite l'objet de conflits entre les Zirides vassaux des Fatimides et les Maghraouides inféodés aux Omeyyades de Cordoue, du fait de sa situation au débouché des pistes caravanières. La ville est ainsi occupée sous le règne d'Al-Hakam II, qui y établit des ateliers monétaires produisant les dinars d'or du califat ibérique.
En effet, Sijilmassa est devenu une cité marchande sur la rive nord du Sahara où faisaient halte les grandes caravanes amenant du Bilad al-Soudan, correspondant aux pays inclus entre le Sénégal et le Soudan actuels) et notamment de l'Empire du Ghana, de la poudre d'or, de l'ivoire, des plumes d'autruche, et des esclaves. Elle constituait en outre un centre important des Berbères zénètes.
Elle est finalement conquise par les Almoravides vers 1055. Sa situation commerciale continue d'être florissante jusqu'au xive siècle, et son ouverture sur l'ensemble du monde connu est attestée par le voyageur Ibn Battûta qui affirme avoir rencontré des Sijilmassiens au cours de son périple dans la Chine mongole des Yuan.
Dans le dernier tome de son récit "al-Rihla" ou "Les Voyages", Ibn Battûta décrit son voyage vers le Soudan (le Mali actuel) en 1352 dont une des premières étapes est la cité de Sijilmassa qu'il décrit ainsi : " Or j’arrivai à la ville de Sidjilmâçah, une des cités les plus jolies. On y trouve des dattes en grande quantité et fort bonnes. La ville de Basrah lui ressemble sous le rapport de l’abondance des dattes ; mais celles de Segelmessa sont meilleures. Elle en fournit surtout une espèce appelée îrâr, qui n’a pas sa pareille dans tout l’univers. Je logeai, à Segelmessa, chez le jurisconsulte Aboû Mohammed Albochry, dont j’avais vu le frère dans la ville de Kandjenfoû, en Chine. Que ces deux frères étaient éloignés l’un de l’autre ! Mon hôte me traita de la manière la plus distinguée. J’achetai, dans Segelmessa, des chameaux, auxquels je donnai du fourrage pendant quatre mois. Au commencement du mois divin de moharram de l’année 753 de l’hégire [1], je me mis en route avec une compagnie ou caravane dont le chef était Aboû Mohammed Yandécân Almessoûfy (que Dieu ait pitié de lui !). Elle renfermait beaucoup de marchands de Segelmessa et d’autres pays. "
Du temps de sa splendeur, Sijilmassa est composée d'environ 600 kasbahs qui forment autant de quartiers. La kasbah principale abrite le palais de l'émir, la grande mosquée, un atelier de frappe monétaire ainsi qu'un immense marché de négociants, dont certains viennent d'aussi loin que l'Égypte ou l'Irak.
Sijilmassa perd de son importance au cours des siècles et ne cesse de décliner à partir du xve siècle5, notamment en raison de la baisse du commerce transsaharien du fait du développement des voies maritimes entre l'Afrique et l'Europe par les portugais et d'autres routes terrestres vers le Touat ainsi que le rôle croissant de Marrakech.
La ville est la base de départ des ancêtres de la dynastie alaouite pour conquérir le Maroc au XVIIe siècle.
Site archéologique
Malgré l'importance historique du site, des fouilles très limitées eurent lieu dans la première moitié du xxe siècle. De 1988 à 1998 le Moroccan-American Project at Sijilmasa (MAPS) dirigé par Ronald A. Messier a réalisé plusieurs campagnes archéologiques avec de nombreux sondages sur le site7. Depuis 2011, la Mission archéologique franco-marocaine à Sijilmâsa des Prof. F. X. Fauvelle et L. Erbati des Université de Toulouse-Mirail et de l'Institut National de Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine (INRAP) de Rabat conduisent des campagnes de fouilles plus approfondies.
Le site archéologique s'étend sur une centaine d'hectares entre la ville de Rissani et l'Oued Ziz. Au fil des siècles, Sijilmâsa a été reconstruite plusieurs fois mais les murs de pisé effondrés ne laissent que des monticules difficiles à lire. À l'ouest du site, les ruines d'un village fortifié du xie siècle ont été identifiées8. Un ensemble qualifié d' " élitaire ", comporte des éléments mieux construits avec des restes de piliers de bassins ainsi que quelques objets relativement luxueux a particulièrement été fouillé. Il comporte trois niveaux édifiés entre le VIIIè et le xvie siècle, la base étant directement sur le socle rocheux. Dans la partie nord, des murs en pisé datés du xiiie siècle (radiocarbone sur des pièces de bois) peuvent correspondre à une enceinte. Seul élément restant debout avant les fouilles, une porte décorée située au nord de la cité serait du XVIè ou xviie siècle.
Basée sur les études d'un hydrogéologie des années 1950, d'autres études s'intéressent au système hydraulique ayant permis l'irrigation de l'oasis du Tafilalet à l'époque médiévale autour de Sjilmassa. Les relevés hydrologiques, quelques fouilles et des relevés de terrain mettent en évidence le caractère artificiel du cours du de l'oued Ziz dans la traversée de l'oasis du Tafilalet résultant d'une canalisation très ancienne par dérivation du cours naturel constitué par l'actuel oued Amerbouh quelques km plus à l'Est. Des textes anciens et l'hydrologie attestent d'une pratique de l'irrigation par submersion lors des crues. D'assez nombreuses séguias et des traces de séguias anciennes témoignent aussi de systèmes d'irrigations par dérivation développés au fil des siècles pour la pratique de l'agriculture dans toute l'oasis.
Émirat de Sijilmassa
L'émirat de Sijilmassa est une principauté berbère ayant existé dans la région du Tafilalet entre les années 758 et 1055. Sa capitale était Sijilmassa.
L'émirat est fondé vers 758 par Aïssa ben Yazid, qui était noir de peau, un leader kharijite sufrite, en tant que foyer du kharidjisme. Une vingtaine d'années plus tard, Abou al-Qassim Samgu ben Wassoul al-Miknassi succède à Aïssa et instaure la dynastie des Midrarides, qui gouvernera l'état pendant deux siècles, avant que les Maghraouas, vassaux du Califat de Cordoue, s'emparent du pouvoir à la fin du xe siècle, en maintenant toutefois l'indépendance de fait de l'Émirat.
L'émirat de Sijilmassa disparait au milieu du xie siècle, à la suite de son annexion par les Almoravides.